Dans le judaïsme comme dans les trois autres religions du Livre, la mort n’est pas la fin. Elle n’est qu’une étape dans le parcours qui mène le fidèle du royaume terrestre à celui céleste. En revanche, les rites funéraires juifs ainsi que la cérémonie obsèques sont bien différents de ceux chrétiens et musulmans. Les respecter demande un véritable travail d’adaptation, que la majorité des pompes funèbres est prête à fournir.
Avant l’enterrement juif
Alors que le défunt pousse son dernier souffle, il faut à tout prix éviter de rentrer en contact physique avec lui. L’âme doit pouvoir paisiblement quitter le corps, sans que votre proximité n’y fasse obstruction. Il est ensuite d’usage de prononcer le verset du Chema Israël (« Ecoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un ») pour faciliter son voyage vers le royaume des cieux. On peut à présent toucher le corps et le mettre dans une position respectueuse, en lui fermant les yeux et la bouche, en positionnant ses pieds vers la porte, et en posant une veilleuse près de son visage. Il est à présent temps de lui administrer la toilette rituelle.
Elle est obligatoire, et doit être effectuée par un personnel qui en maîtrise les usages. C’est là le rôle de la « Hevra Kaddicha », hommes et femmes pieux et dévoués, qu’il convient de contacter dès que possible. Que ce soit à domicile ou au reposoir, ils seront aptes à déshabiller le défunt, le laver, et recouvrir son corps d’un linceul blanc. Sans jamais l’exposer à sa famille, la Hevra Kaddicha dépose le défunt dans un cercueil. Là, ils répandent un peu de terre en provenance d’Israël sur son corps et derrière sa tête. Personne ne reverra son visage, recouvert par un drap. Par respect pour l’image qu’il renvoyait de son vivant, il demeurera dissimulé pour l’éternité.
Le défunt est prêt pour l’enterrement juif – c’est d’ailleurs son unique option. Comme un rouleau de la Torah devenu illisible, le corps garde une certaine sacralité, une intégrité spirituelle qu’on ne saurait attaquer. Il est donc strictement interdit de l’incinérer ou d’en faire don à la science. Il en va de même pour la thanatopraxie, considérée comme une souillure grave. Seul le don d’organes est autorisé, si cet acte permet de sauver une vie et que le défunt y a préalablement donné son consentement.
La cérémonie hébraïque
La sobriété est d’une importance capitale : les vêtements et le cercueil juif doivent être simples, dépouillés de tout ornement superflu. Avant que le défunt ne soit mis en bière, il est coutume que ses sept parents les plus proches (aussi appelés les « onens ») déchirent une partie de leurs vêtements à proximité de leur cœur, manifestant physiquement leur blessure émotionnelle. Il est indispensable que le décès soit suivi de plus près possible par l’inhumation, bien qu’il soit interdit en France d’enterrer un mort moins de vingt-quatre heures après son décès. Attendre plus de trois jours est vu comme une marque profonde d’indécence.
S’il ne s’agît pas d’un interdit formel, on évite la plupart du temps d’apporter des fleurs aux funérailles juives. Il est mieux vu d’en utiliser l’argent pour faire un don à la communauté. De la même manière, mieux vaut se défaire avant de venir de tout signe de suffisance, comme des bijoux ou des habits chers, et ne pas oublier de se coiffer d’une kippa. La cérémonie hébraïque ne se déroule pas dans la synagogue, mais au cimetière. Tous peuvent y accéder, qu’il s’agisse d’un lieu exclusivement juif ou d’un carré dans un cimetière communal. Là, le rabbin prononce l’éloge funèbre, le « Tsidouk Hadin », tandis que le cercueil est descendu dans le sol. Les proches y jettent ensuite trois pelletées de terre, acte symbolique renvoyant au destin funeste qui attend tous les hommes. Puis l’un d’entre eux récite une prière à la Gloire de Dieu, le « Kaddish. ».
Avant de quitter le cimetière, les participants de la cérémonie hébraïque se lavent les mains sans les sécher, témoignant de la présence durable du défunt auprès d’eux. Puis, ils se rassemblent une dernière fois pour partager un repas en sa mémoire. Au menu, on trouve généralement des aliments ronds, comme des œufs, des lentilles ou des olives, évocateurs de la nature cyclique de l’existence. Il est également coutume de consommer un verre de vin, accompagné d’une formule de consolation.
Le deuil juif
Le mort repose généralement dans un cimetière exclusivement juif ou dans le carré confessionnel d’un cimetière communal ou intercommunal. Dans ces lieux, les tarifs et les modalités de la concession ne sont pas bien différents de ceux de cimetières standards, et dépendent entièrement de la ville qui les héberge. Le défunt n’est pas nécessairement enterré en peine terre ; un caveau représente un lieu de quiétude tout aussi digne. La tombe juive, dont la stèle est souvent ornée d’une étoile de David et d’une table des commandements, n’est pas posée immédiatement. Si l’inhumation juive est urgente, l’installation du monument funéraire peut attendre des mois, voire une année entière, le temps que la blessure de la perte puisse guérir.
Pendant ce temps, les « onens » doivent traverser les trois étapes du deuil juif, qui ne viennent pas sans leur part de rites et d’interdictions. Durant la première semaine, au cours de laquelle une veilleuse reste sans cesse allumée, il leur est interdit de travailler, de laver leurs corps ou leurs vêtements, de se raser, de porter du cuir, de lire la Tora et de quitter la maison. L’heure est au chagrin, pas à la vanité : tous les miroirs sont ainsi recouverts pour qu’on ne puisse y croiser son reflet. Ces privations sont toutefois levées le samedi, jour de Chabbat, en raison de sa sainteté. Chaque soir, si possible, on se réunit avec un groupe d’au moins dix personnes pour réciter le Kaddich. Les trois semaines suivantes, les règles concernant la toilette et l’habillement se relaxent. Jusqu’au onzième mois, il incombera aux enfants ou aux petits-enfants de prier chaque jour à la synagogue pour le repos de leur géniteur.
Il est conseillé aux proches des endeuillés de les accompagner, les écouter, les comprendre et les assister sans les juger s’ils ne respectent pas à la lettre les étapes du deuil juif. Si elles sont considérées comme la façon la plus sage de faire son deuil, y manquer n’entraîne aucune forme de punition. Dans les années qui suivront, à la date hébraïque de l’anniversaire du décès, on se rassemblera de nouveau pour prier ensemble et se souvenir que, malgré la souffrance infligée par le départ du défunt, on le retrouvera sans doute un jour.
Le rapatriement en Israël
Si la majorité des défunts israélites français restent dans le pays qui les a vus mourir, une grande partie d’entre eux décide toutefois d’être inhumée en terre sainte. Si l’on peut trouver cette pratique contradictoire avec les impératifs de temps liés aux obsèques juives, ce serait méconnaître l’efficacité des agences prévues à cet effet. Le mort du matin se trouvera ainsi la plupart du temps dans le vol du soir, et, même dans le pire des cas, sera enterré avant la date limite de trois jours. Cette rapidité a un coût, toutefois, et il faut prévoir entre 4000 et 4500 euros pour financer le voyage. C’est sans compter le prix de la concession des cimetières israéliens, qui tourne autour de 3500 euros. En tout, il faudrait donc prévoir entre 7000 et 8000 euros pour être inhumé en terre sainte, et ce sans compter le prix du déplacement des proches qui souhaiteraient assister à la cérémonie.
En revanche, le corps d’un juif n’aura pas à subir de thanatopraxie contraire à ses croyances pour profiter du rapatriement en Israël: grâce à une méthode utilisant de la neige carbonique, le défunt peut être déplacé dans le respect de sa tradition en toute légalité. Une fois sur place, le corps est récupéré par la Hevra Kaddicha locale, qui s’occupera de l’inhumation. Si le rapatriement en Isräel n’est pas sans ses inconvénients économiques, de nombreux défunts juifs estiment chaque année que c’est un bien faible prix pour reposer au sein de la terre promise.